2. 
              Sur la piste de l'ADN Au 
                début du XXe siècle, on savait déjà 
                que les caractéristiques physiques des êtres vivants 
                étaient déterminées par des facteurs héréditaires 
                transmis de génération en génération 
                par les parents. Restait à savoir quels étaient 
                ces mystérieux facteurs. Quelle substance, contenue dans 
                les spermatozoïdes et les ovules, peut bien déterminer 
                la couleur de la peau ou des yeux, la taille du nez ou la forme 
                des oreilles de l’enfant à naître ? 
               
              En 
                1909, le médecin anglais Archibald Garrod 
                fut le premier à faire le lien entre les maladies héréditaires 
                et les protéines. Il démontra que certaines maladies 
                héréditaires (donc transmises par les parents) étaient 
                dues à l’absence de certaines enzymes chez la personne 
                atteinte. On démontra également, à la même 
                époque, que certaines anomalies dans la couleur des yeux 
                des mouches à fruit (une espèce beaucoup étudiée 
                en génétique) étaient dues à des anomalies 
                héréditaires dans la structure d’une enzyme. 
                Mais pourquoi un individu pouvait-il fabriquer une enzyme différente 
                et comment transmettait-il cette différence à ses 
                descendants? Nul ne pouvait répondre à cette question 
                au début du siècle. 
               | 
             
                 
                Archibald 
                E. Garrod (1857-1936) 
               | 
           
         
        
           
               L'expérience 
              de Griffith C’est 
                une expérience qui n’avait, au départ, rien 
                à voir avec la recherche des facteurs héréditaires 
                qui mettra les biologistes sur la piste de l’ADN.  
              En 1928, le 
                microbiologiste anglais Frederick Griffith travaillait 
                sur Streptococcus 
                pneumoniae, une bactérie pouvant 
                causer une grave méningite et ou une pneumonie mortelle 
                chez l'humain. 
                
              Griffith observa 
                que dans ses cultures, il se formait parfois une variété 
                de bactéries différente de la variété 
                courante. Cette nouvelle variété formait sur les 
                milieux de culture des colonies à l’aspect 
                rugueux (alors que la variété normale forme 
                des colonies lisses et brillantes). Il baptisa 
                R (pour rought) 
                la variété aux colonies rugueuses et S 
                (pour smooth) la variété normale. 
               
              
                 
                   
                     
                        
                      
                         
                          | On 
                            cultive couramment les bactéries sur des milieux 
                            nutritifs solides. Il s'agit généralement 
                            d'une gelée aditionnée d'éléments 
                            nutritifs qu'on dépose au fond d'un contenant 
                            plat. Sur ces milieux, chaque bactérie déposée 
                            se multiplie rapidement et forme un amas dense de 
                            bactéries identiques. Ce sont ces amas de bactéries 
                            que l'on appelle des colonies.  | 
                           
                              Colonies 
                              de bactéries sur un milieu solide. Chaque 
                              petit point est une colonie résultant de 
                              la multiplication d'une bactérie ensemencée 
                              à cet endroit. | 
                         
                       
                      | 
                 
               
              La 
                variété S était mortelle si on l’injectait 
                à des souris alors que la variété R ne l’était 
                pas.   | 
             
               
                 
                 
                
                   
                     
                       
                          
                          La souche S possède une 
                          capsule que n'a pas la souche R 
                           
                        Les 
                          bactéries de la variété R sont 
                          dépourvues d'une enveloppe de polysaccharides 
                          qui recouvre les bactéries normales de la variété 
                          S. Cette enveloppe, appelée capsule, 
                          protège la bactéries contre les attaques 
                          du système immunitaire. On sait, aujourd'hui, 
                          que l'absence de la capsule est due à une mutation 
                          causant une anomalie dans une des enzymes nécessaires 
                          à la synthèse de cette capsule. 
                        | 
                   
                 
                | 
           
         
        
           
             | 
            
                 
                  |   L'injection 
                      de seulement quelques bactéries de type S peut provoquer 
                      une septicémie 
                      mortelle chez la souris. Par contre, la souris peut résister 
                      à l'injection de millions de bactéries de 
                      type R.  | 
                 
                | 
           
         
        
           
            |  
               On ne sait 
                pas trop pourquoi, mais Griffith eut l’idée d’injecter 
                à des souris un mélange 
                de bactéries S tuées par la chaleur et de bactéries 
                R bien vivantes. À sa grande surprise, 
                le mélange provoqua une septicémie 
                mortelle aux souris inoculées. Pourtant, comme il fallait 
                s’y attendre, l’injection des seules bactéries 
                S tuées à la chaleur ne provoquait rien chez les 
                souris. Le plus étonnant, c’était que les 
                souris tuées par le mélange R vivantes et S mortes 
                contenaient des bactéries S bien vivantes!!!  
                
               Il 
                fallait donc conclure qu'au contact des bactéries S mortes, 
                des bactéries R s'étaient transformées en 
                bactéries S mortelles bien vivantes. Quelque chose, une 
                information de S, est passée dans les R et les 
                a transformées en bactéries S. Ce quelque chose 
                se transmet de façon héréditaire puisque 
                les S ainsi formées se reproduisent en donnant d'autres 
                bactéries S.  
              Voir 
                cette animation Flash 
                (tiré du site Bioanim) 
               | 
            
                 
                   
                    
                      Certains 
                        ont pensé que c'était peut-être les 
                        souris qui avaient transformé les R en S. On démontra 
                        rapidement que le mélange en éprouvette 
                        de S tuées à la chaleur et de R vivantes 
                        produisait des S vivantes.  
                      Même 
                        des bactéries S tuées et broyées 
                        (on les passe au blender pour en briser les constituants 
                        cellulaires) pouvaient également transformer en 
                        éprouvette des R en S.  
                      | 
                 
                | 
           
         
        
           
            Interprétation 
                moderne de l'expérience de Griffith 
              
                - Les 
                  bactéries S synthétisent une capsule 
                  leur permettant de résister au système immunitaire. 
                  La capsule est une épaisse enveloppe de polysaccharides 
                  qui entoure certaines espèces de bactéries. Cette 
                  capsule peut protéger la bactérie contre le système 
                  immunitaire de l'organisme qu'elle envahit.
 
                - Les 
                  R sont dépourvues d'une enzyme essentielle à 
                  la synthèse de cette capsule car elles n'ont 
                  pas la recette de cette enzyme (en fait elles en ont 
                  une, mais une mutation l'a rendue défectueuse).
 
                - Les 
                  bactéries S ont donné aux R la recette 
                  de l'enzyme qui leur manquait. Ainsi, les R pouvant 
                  maintenant fabriquer l'enzyme ont pu synthétiser la capsule. 
                  Elles sont devenues des bactéries S.
 
               
              La 
                grande question maintenant était de savoir ce qu'était 
                ce quelque chose pouvant passer d'une bactérie à 
                l'autre. Deux hypothèses s'affrontaient. La première, 
                qui faisait presque consensus chez les biologistes, soutenait 
                qu'il devait s'agir de protéines. La seconde, 
                soutenue par une minorité, penchait plutôt pour l'acide 
                désoxyribonucléique ou ADN.   | 
            
                
                  |  
                     Certaines 
                      bactéries peuvent absorber de l'ADN provenant d'autres 
                      bactéries de leur espèce. Une bactérie 
                      résistante à un antibiotique peut, par exemple, 
                      transmettre cette résistance à une autre qui 
                      ne l'était pas.  | 
                 
                | 
           
         
        
           
             
               
              Expérience 
              de Oswald Avery, Colin MacLeod et Maclyn McCarty 
C'est dans 
                les années 40 que ces trois chercheurs (Avery et MacLeod 
                étaient canadiens et McCarty américain) vont démontrer 
                que la substance transformante qui passe des bactéries 
                S mortes aux R vivantes est bel et bien de l'ADN. 
                 
              Ils 
                ont repris l'expérience de Griffith avec une légère 
                variante. Les bactéries S mortes étaient broyées 
                (on les brise en morceaux en les passant au blender) 
                et traitées avec une enzyme digestive 
                avant de les mélanger aux R vivantes. 
              
                - Si 
                  l'enzyme utilisée était une protéase 
                  (enzyme qui digère les protéines), les bactéries 
                  R se transformaient quand même en bactéries S virulentes.
 
                - Si 
                  l'enzyme utilisée était une DNase 
                  (enzyme qui détruit l'ADN), alors la transformation des 
                  R en S ne se faisait pas. La souris survivait.
 
               
                
              Avery 
                démontra également que l'ADN purifié extrait 
                des bactéries de type S était suffisant pour induire 
                la transformation des R en S.  
              La 
                conclusion s'imposait, c'est bien l'ADN, et non les protéines, 
                qui provoque la transformation.  
              Leurs 
                travaux furent publiés en janvier 1944 dans le Journal 
                of Experimental Medicine. 
              Studies 
                on the chemical nature of the substance inducing transformation 
                of Pneumococcal types  
                Avery, O.T., MacLeod, C.M. & McCarty, M. 
                J. Exp. Med. 79, 137-159 (1944) 
              
                
                  "Both 
                      Francis (Crick) and I had no doubts that DNA was the gene. 
                      But most people did. And again, you might say, "Why 
                      didn't Avery get the Nobel Prize?" Because most people 
                      didn't take him seriously. Because you could always argue 
                      that his observations were limited to bacteria, or that 
                      [the transformation of Pneumococcus that he described was 
                      caused by] a protein resistant to proteases and that the 
                      DNA was just scaffolding". 
                      James Watson, in Nature, 302, 21 (April 1983): 654 
                        | 
                 
               
               
                 
               | 
            
                 
                   
                     
                      Les 
                        résultats de Avery et de son équipe furent 
                        accueillis avec scepticisme. À cette époque, 
                        on croyait que l'ADN était une molécule 
                        relativement simple. Comme nous le verrons plus loin, 
                        l'ADN est un polymère formé de seulement 
                        quatre monomères différents (contre 20 pour 
                        les protéines). La plupart des biologistes croyaient 
                        cette molécule trop simple pour servir de support 
                        à quelque chose d'aussi complexe que l'hérédité. 
                        En fait, on ne savait rien de la fonction de l'ADN dans 
                        la cellule. Plusieurs croyaient qu'il s'agissait d'une 
                        substance sans grande importance pour la cellule. 
                      | 
                 
                | 
           
         
        
      
      
        © 
          Gilles Bourbonnais / Cégep de Sainte Foy   |