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Patience dans l'azur
Ce document est un résumé, d'une vingtaine de pages, de l'ouvrage
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Avertissement

Ce document est un résumé de l'ouvrage « Patience dans l'azur, l'évolution cosmique » (nouvelle édition) de Hubert Reeves publié au Seuil. Il a été élaboré à des fins pédagogiques et pour être diffusé gratuitement. Il traduit mon admiration pour toute l’œuvre de Hubert Reeves que je vous encourage fortement à découvrir. Il ne comprend pas la troisième section, « Dans les coulisses », ainsi que le résumé des appendices car cette partie m'a semblé trop difficile pour des lycéens. Les passionnés s'empresseront de les déguster dans la version originale et complète !

Marc Berger :  berger@nplus.gf

   

Sommaire

L'UNIVERS A UNE HISTOIRE

1 L'architecture de l'univers
2 Un univers en expansion
3 Le futur
4 Pourquoi la nuit est-elle noire ?

LA NATURE EN GESTATION

1 La phase cosmique
2 La phase stellaire
3 La phase interstellaire
4 La phase planétaire
5 Images de l'évolution biologique
6 La vie hors de la Terre
7 L'avenir de la Terre
8 De la musique avant toute chose

La montagne et la souris

     Avec ses millions de tonnes de roches, une montagne ne sait rien faire. La souris, au contraire, avec ses quelques dizaines de grammes, est une merveille de l'univers.

     L'histoire de l'univers, c'est, en gros, l'histoire d'une montagne qui accouche d'une souris.

     Au début de notre siècle, l'observation du mouvement des galaxies a projeté la dimension historique sur l'ensemble de l'univers. Issu d'une fulgurante explosion, il y a environ quinze milliards d'années, il poursuit depuis cette date sa dilatation et son refroidissement. Il n'existe au départ qu'un ensemble de particules simples et sans structure. Puis, par étapes successives, ces particules se combinent et s'associent.

Patience, patience,
patience dans l'azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d'un fruit mûr.

     L'univers monte lentement les marches de la complexité. La physique nucléaire nous permet de comprendre l’évolution nucléaire. La radioastronomie et la biologie moléculaire permettent de retracer les grandes étapes de l'évolution chimique.

     L'évolution biologique nous amène des bactéries à l'apparition de l'intelligence humaine. Le  « sens » est en marche.

     Dans les coulisses de l'évolution s'activent des personnages qui ont pour noms : temps, espace, matière, force, énergie, lois, hasard, etc.

     Au terme de ces réflexions, nous sentons notre parenté profonde avec tout ce qui existe dans l'univers. Dans cet esprit est donné la liste des noms de nos primes ancêtres : particules élémentaires, atomes, molécules simples.

 

L'UNIVERS A UNE HISTOIRE

     L'espace est peuplé d'étoiles semblables à notre Soleil. Les étoiles qui nous entourent sont groupées en galaxie, la notre, que nous appelons la Voie Lactée. Il existe des milliards de galaxie comme la notre dans l'univers. Ces galaxies se groupent en amas. Et ces amas s'assemblent en superamas.

     C'est grâce à la lumière que nous observons le monde. Dans certains cas, elle met des millions voire des milliards d'années à nous arriver, elle nous permettra donc de voir dans le passé.

     Les galaxies s'éloignent les unes des autres, ce mouvement d'expansion se poursuit depuis environ quinze milliards d'années : c'est l'âge de l'univers. L'expansion débute par une fulgurante explosion dont on a détecté les vestiges de la lumière éblouissante qui l'accompagnait. On aimerait bien voir ce qu'il y avait « avant », mais il faudrait traverser le « mur du temps zéro » et des difficultés redoutables nous y attendent sur le plan de la physique et de la logique elle-même.

 

1 L'architecture de l'univers

Le monde des étoiles

     Le soleil est une étoile semblable aux milliards de milliards d'étoiles que nos télescopes nous révèlent. Si les autres étoiles apparaissent comme des points de faible luminosité, c'est que, vraiment, elles sont très loin. La lumière met une seconde pour aller de la Terre à la Lune, la Lune est donc à une seconde-lumière ; le Soleil est à huit minutes-lumière et la plus proche étoile est à.. quatre années-lumière, Sirius est à huit années- lumière et les trois Rois Mages d'Orion sont à mille cinq cents années-lumière ! Le ciel est pratiquement vide : par rapport à leur taille, les étoiles sont très éloignées les une des autres ; à la même échelle, votre plus proche voisin serait à cinquante milles kilomètres !

     Quand on observe le ciel, les étoiles sont plus concentrées dans une large bande blanche : c'est la voie lactée. L'ensemble de ces étoiles, y compris notre Soleil, forme notre Galaxie. Elle renferme plus de deux cents milliards d'étoiles réparties dans un volume en forme de disque de cent mille années-lumière de diamètre.

     Nous avons maintenant une nouvelle estimation de la masse de notre Galaxie : elle est dix fois plus massive que nous ne le pensions : la différence s'appelle la « masse manquante ». Elle nous force à admettre qu'une fraction majeure de la matière universelle est encore en dehors du champ de notre connaissance.

Le monde des galaxies

     Dans le ciel vu à l’œil nu, il n'y a pas que des étoiles, il y a aussi des nébuleuses ou « taches lumineuses étendues ». Certaines sont des masses gazeuses situées dans notre galaxie, mais la nébuleuse d'Andromède par exemple est en dehors de notre galaxie : c'est aussi une galaxie semblable à la notre. Aujourd'hui, les télescopes dénombrent les galaxies par milliards !! Les distances moyennes entre galaxies sont environ un million d' années-lumière.

Un univers hiérarchisé

     D'atomes en molécules, d'étoiles en galaxies, d'amas en superamas, notre univers est construit sur un mode hiérarchique. Cette hiérarchie s'étend de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

     Depuis Copernic, nous savons que notre Terre est une planète toute ordinaire et que notre glorieux Soleil est une banale étoile. On sait maintenant que notre galaxie est tout à fait classique. Un groupe d'étoiles forme une galaxie, un groupe de galaxies forme un amas de galaxies, un superamas regroupe plusieurs milliers de galaxies dans un volume dont les dimensions se mesurent en dizaines de millions d'années-lumière. Et après ? Y a-t-il des super superamas ? Il semble bien que non. Jusqu'aux limites de l'univers observable, à une quinzaine de milliards d'années-lumière, les superamas se succèdent inlassablement.

     Pourquoi les galaxies se sont-elles disposées de cette façon ? Cela est lié à l'origine des galaxies ; une des plus mystérieuses questions de notre époque.

Regarder loin c'est regarder tôt

     Nous savons aujourd'hui que la lumière se propage à la vitesse de 300 000 km/s, par rapport aux dimensions dont nous parlons, cette vitesse est plutôt faible ! Les informations qu'elle nous apporte ne sont plus fraîches du tout ! En regardant loin, on regarde donc « tôt ». La galaxie d'Andromède nous apparaît telle qu'elle était il y a deux millions d'années, au moment où les premiers hommes apparaissaient sur Terre... A l'inverse, d'hypothétiques habitants d'Andromède, munis de puissants télescopes, pourraient voir, en ce moment, l'éveil de l'humanité sur notre planète.

     Les objets les plus lointains visibles au télescope sont les quasars. On les appelle ainsi car leur image au télescope ressemble à des étoiles proches (quasi-stellaire). Certains quasars sont situés à douze milliards d'années-lumière, la lumière qui nous en arrive nous informe donc sur la jeunesse de l'univers.

     Tout autour, notre regard plonge vers le passé.

2. Un univers en expansion

L'univers crée son propre espace

     Grâce à l'effet Doppler, on peut savoir si les objets célestes s'approchent où s'éloignent de nous. Les premières mesures de vitesse de galaxies ont été réalisées vers 1920. En 1929, Edwin Hubble montrait que presque toutes les galaxies s'éloignent de nous et, fait capital, qu'elles fuient d'autant plus vite qu'elles sont plus loin !

     En s'appuyant sur la théorie de la relativité générale d'Einstein, des chercheurs ont développé la théorie de l'expansion universelle ou, en anglais, le Big Bang. Depuis, d'autres observations ont été faites qui sont devenues autant de preuves en sa faveur.

L'univers est-il infini ?

     Il n'est pas facile de se représenter par l'imagination l'expansion de l'univers, mais nous avons tous les outils mathématiques nécessaires à l'étude d'un fluide infini.

     Avec des télescopes toujours plus puissants, on pourrait voir des objets s'éloignant à 99% de la vitesse de la lumière ; or, un rayon lumineux émis par une source s'éloignant aussi rapidement perd presque toute son énergie et donc, au-delà d'une certaine distance, on ne « voit » plus. Il existe un « horizon universel », on le situe à environ quinze milliards d'années-lumière. Mais de l'univers, on ne peut pas dire qu'il « occupe » l'espace et qu'il « s'insère » dans le temps car il engendre lui-même l'espace et le temps

L'âge de l'univers

     Il y a trois méthodes pour mesurer l'âge de l'univers.

- En remontant dans le temps l'expansion universelle des galaxies, on arrive à un moment où leurs matières se superposaient. Cet « instant zéro » qu'on peut appeler le « début de l'univers » se situe entre quinze et vingt milliards d'années dans le passé.

- La vie des étoiles dure aussi longtemps que durent leurs réserves de « carburant » nucléaire. On observe que les étoiles naissent en groupe et forment des amas. Dans notre Galaxie, les plus vieux amas ont entre quatorze et seize milliards d'années.

- Les atomes radioactifs ne sont pas stables, on en connaît plus d'un millier, en particulier les deux isotopes de l'uranium : l'uranium 235 et l'uranium 238. L'abondance relative de ces deux isotopes peut servir d'horloge et on trouve que les plus vieux atomes radioactifs ont entre dix et dix-sept milliards d'années. Les trois méthodes donnent des résultats qui concordent d'une façon assez impressionnante.

Une lueur fossile

     Les astronomes américains Penzias et Wilson ont découvert l'existence d'un rayonnement nouveau qui occupe tout l'espace de l'univers. Cette découverte avait été prévue trente années auparavant par un astrophysicien génial nommé George Gamov. Avec Friedman et Lemaître, Gamov a été un théoricien de la découverte du big bang.

     Si l'on remonte le cours du temps dans le cadre de l'expansion, alors les galaxies se rapprochent les une des autres, la densité de l'univers augmente et la température aussi ainsi que l'énergie du rayonnement lumineux. Au début, l'univers est donc dominé par la lumière. « Cette lumière originelle existe toujours, mais son énergie est maintenant très faible » avait prédit Gamov, comme le bruit d'une explosion qui diminue avec le temps. Et c'est avec un radiotélescope très sensible que ce rayonnement a été observé en 1965.

Le passage de l'opacité à la transparence

     Pendant le premier million d'années, l'univers était opaque : la lumière émise fut tout de suite réabsorbée et n'a eu aucune chance de parvenir jusqu'à nous. Cette opacité nous enlève tout espoir de « voir » l'origine de l'univers. Le rayonnement fossile fut émis juste au moment de passage de l'opacité à la transparence lorsque les électrons furent captés par des nucléons pour former les premiers atomes.

Les cendres de l'explosion initiale

     Les atomes d'hélium de nos ballons gonflables, ainsi que les atomes de deutérium (un atome isotope de l'hydrogène), sont les plus vieux atomes du monde ; ce sont les cendres du grand brasier originel. Ils témoignent, pour nous, des températures de milliards de degrés qui régnaient aux premières secondes de l'univers.

Deux filons à exploiter : la population de photons et l'absence d'antimatière

     Il y a dans le cosmos un milliard de photons lumineux pour chaque atome. Pourquoi ce nombre ? Personne ne le sait. Il y a deux variétés de matière : la matière dite « ordinaire » (dont nous sommes formés) et l'antimatière ; lorsqu'elles se rencontrent, elles s'annihilent entièrement et se transforment en lumière. Aux premières secondes de l'univers, matière et antimatière coexistent. Continuellement, elles s'annihilent en lumière et renaissent de la lumière. Au cours du refroidissement ultérieur, tout disparaît, sauf un résidu minime qui provient de l'infime supériorité de la matière : il y a une particule de matière de plus par milliard de particules. Quelle est l'origine de cette différence à laquelle nous devons d'exister ? Encore aucune réponse satisfaisante...

Et qu'il y avait-il avant ?

     L'observation du rayonnement fossile nous a permis de remonter jusqu'à un million d'années du début, la mesure d'abondance de l'hélium jusqu'à quelques secondes de l'origine, à des températures de plusieurs milliards de degrés, et la population de photons et l'absence d'antimatière beaucoup plus tôt encore ; peut-on remonter encore plus près de l'origine ? Le problème est que la chaleur détruit l'information et la question « qu’est-ce qu'il y avait avant ? » n'a probablement pas de sens, il n'y aurait aucun moyen de s'y aventurer.

La mesure du temps

     Il est de tradition de diviser le temps en tranches égales. Ce n'est pas la seule façon de mesurer le temps : on pourrait aussi compter « un » chaque fois que la distance entre deux galaxies est multipliée par deux ; il s'agit alors d'une échelle logarithmique. Le temps « zéro » serait alors le moment présent et le passé se verrait assigner des temps négatifs. Nous verrions les plus lointains quasars au temps « moins quatre » (il y a douze milliards d'années dans l'échelle traditionnelle). A mesure qu'on recule dans le passé, on s'en irait vers « moins l'infini », qu'on n'atteindrait jamais, et on ne serait pas tenté de se demander ce qu'il y avait « avant »...

Aux limites du langage et de la logique

     « On ne peut pas imaginer un commencement à partir de rien ! » Ces difficultés philosophiques disparaissent d'elles-mêmes si on reconnaît que le seul vrai « problème », c'est celui de l'existence même de l'univers : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?...

     Il y a quelque chose, il y a la réalité ! C'est par notre conscience que nous percevons l'existence de « quelque chose plutôt que rien ». Or, cette conscience n'est pas en dehors de l'univers, elle en fait partie... discussion passionnante !

3. Le futur

L'avenir de l'univers

     Combien de temps encore va durer l'expansion ? Il y a une force qui s'oppose à l'expansion : c'est la gravité. La matière attire la matière. La gravité représente l'attraction de tout l'univers sur n'importe qu'elle galaxie. Si cette attraction est assez puissante, les galaxies cesseront un jour de s'éloigner (univers fermé) ; elles reviendront alors les unes vers les autres dans un vaste mouvement de contraction universelle. Si, par contre, l'attraction n'est pas assez puissante, l'expansion se poursuivra indéfiniment (univers ouvert). Pour connaître la réponse, il faut évaluer la gravité de l'univers c'est-à-dire sa densité de matière. En faisant une moyenne, on trouve environ un atome par mètre cube. Pour arrêter et renverser le mouvement d'expansion, il faudrait que la densité soit supérieure à dix atomes par mètre cube. Notre univers serait donc ouvert.

     Par ailleurs, le problème de la matière manquante et un certain nombre de considérations théoriques militent en faveur d'un univers dont la densité serait très précisément égale à la densité critique. Affaire à suivre...

L'ultime désagrégation

     On a des raisons de croire que les atomes vont un jour se désintégrer. Les atomes sont constitués de nucléons eux-mêmes constitués de quarks. Or ces quarks ne seraient pas stables, ils se transformeraient en rayonnement. On leur prévoit une demi-vie de cent mille milliards de milliards de milliards d'années. !

 

4. Pourquoi la nuit est-elle noire ?

     Les étoiles émettent de la lumière. Cette énergie se répand dans l'espace comme l'eau dans une baignoire; pourquoi la baignoire ne déborde-t-elle pas ? Simplement parce que l'espace, la baignoire, est de plus en plus vaste.

     Avant l'émission de la lumière fossile, le ciel initial est éblouissant ; c'est l'expansion de l'univers qui nous a fait passer du ciel brillant à la nuit actuelle. Il est remarquable de constater la simplicité et la puissance d'explication de la théorie du big bang. Mais comment cette simplicité permettra d'expliquer la complexité de l'univers ? Où se situait cette complexité aux premières minutes de l'univers ?

 

LA NATURE EN GESTATION

Nous allons au spectacle, devant nos yeux vont se dérouler les jeux de la matière qui s'agence. La nature, en gestation permanente, va accoucher de la vie.

 

1 La phase cosmique

Le fer et le feu

     Je chauffe un bloc de fer. Chauffer un corps, c'est augmenter l'agitation de ses atomes. Quand l'énergie thermique est assez grande, les atomes brisent les liens qui les retiennent les uns aux autres; le métal devient liquide. Élevons encore la température, la chaleur augmente la vitesse des atomes et amène à des collisions fréquentes et à une émission de photons lumineux. Certaines collisions arrachent des électrons et, à une température encore plus élevée, le gaz se peuple de noyaux de fer au milieu d'un océan d'électrons libres. Cette matière s'appelle « plasma ». A partir du million de degrés, les collisions engendrent des photons très énergiques, ce sont les rayons X et les rayons gamma. A un milliard de degrés, les noyaux eux-mêmes commencent à se désintégrer en protons et neutrons, et, à mille milliards de degrés, le gaz de nucléons se transforme en un gaz de quarks.

     Ce spectacle nous a présenté trois grandes forces naturelles : la force électromagnétique assurant la cohésion des atomes, la force nucléaire qui assure la cohésion des noyaux atomiques et la force quarkienne qui permet la cohésion des nucléons. Elles ont chacune leur domaine d'activité correspondant à des niveaux différents dans l'échelle des températures et des énergies.

Les noyaux émergent de l'océan de chaleur

     Reprenons le scénario à l'envers en partant des très hautes températures du début de l'univers. Nous savons peu de choses sur les événements avant la première seconde. Les quarks se seraient combinés par trois pour former les nucléons au premier millionième de seconde. A la première seconde, l'univers est une purée composée de : protons, neutrons, électrons, photons et neutrinos. La température est alors descendue à un milliard de degrés. Puis des systèmes nucléaires de trois et quatre nucléons apparaissent : ce sont des noyaux d'hélium. L'univers se fige alors avec son nouveau visage : une abondante population de noyaux d'hélium-4 et quelques noyaux plus légers.

     A sa naissance, l'univers est en sommeil par rapport à toutes les forces de la nature. La baisse de la température l'éveille successivement à chacune d'elles. Il s'anime pour un temps, puis se fige.

La première crise de croissance de la complexité

     L'évolution nucléaire s'arrête à l'hélium-4 car c'est un noyau très, trop, stable. A la fin de la nucléosynthèse primordiale, l'univers ne contient que de l'hydrogène et de l'hélium. Il est stérile, aucune vie ne peut apparaître...

Atomes et molécules émergent à leur tour

     Cet interrègne va durer un million d'années, le temps que la température baisse jusqu'à quelques milliers de degrés (grâce à l'expansion). A ce moment, un proton peut capturer un électron et former un atome d'hydrogène stable. Vers trois mille degrés, tous les noyaux sont entourés d'électrons et forment donc des atomes. De plus, deux atomes Hydrogène peuvent se joindrent pour former une molécule : ce sont les premières molécules de l'univers.

Le règne du rayonnement s'achève

     Maintenant, au bout d'un million d'années, il n'y a plus d'électrons libres et, soudain, les photons peuvent circuler sans être absorbés et réémis. La lumière parcourt l'espace sans entrave, de ce moment date le rayonnement fossile. Jusqu'ici, l'énergie associée à la matière était négligeable par rapport à l'énergie du rayonnement. La matière va prendre le dessus.

2 La phase stellaire

Galaxies et étoiles émergent de l'océan de chaleur

     Cette prédominance de la matière va inaugurer un nouveau chapitre car, à diverses échelles locales, des masses de matières vont se condenser sous l'effet de la gravitation. Par ordre de dimensions décroissantes, ce sont les superamas de galaxies, les amas, les galaxies individuelles et les étoiles. Alors que l'univers dans son ensemble continue à se vider de sa chaleur, l'évolution de la complexité va reprendre. Les étoiles sont la seconde chance de l'univers.

La vie d'une galaxie

     Comment naissent les galaxies ? Pour l'instant, cela reste une interrogation... Au sein de chaque galaxie, les premières étoiles vont se former ; leur durée sera courte. D'autres se reformeront à partir du gaz enrichi à la suite de leur explosion. Les galaxies sont des machines à transformer de la matière gazeuse en étoiles.

La vie des étoiles

     Çà et là, à l'appel de sa propre gravité, la matière galactique va se contracter et se réchauffer, les collisions entre particules vont se multiplier et la lumière émise passe au rouge. L'étoile devient visible, elle « nait ».

La fusion de l'hydrogène

     L'ascension thermique se poursuit et nous allons revivre l'épisode de nucléosynthèse qui s'est déroulé au début de l'univers. Les réactions nucléaires successives vont fournir à l'étoile l'énergie dont elle a besoin pour briller et supporter sa masse. L'hydrogène central va se transformer en hélium, cette phase est la plus longue, près de dix milliards d'années pour notre Soleil, et elle se termine par l'épuisement de l'hydrogène du cœur stellaire. Talonnée par ses besoins d'énergie, l'étoile recommence à se contracter, donc les chocs entre particules augmentent donc la température aussi.

La fusion de l'hélium ou la naissance miraculeuse du carbone

     La température dépasse maintenant les cent millions de degrés. Sous la violence des chocs, deux noyaux d'hélium se rencontrent mais, rien à faire, ils se quittent. L’hélium n'est pas sociable. Sauf si, à ce moment précis, un troisième atome d'hélium se présente et forme alors avec les deux premiers un système stable. Ce nouveau système nucléaire s'appelle... carbone. Une telle rencontre triple est extraordinairement rare. Mais heureusement, nous pouvons compter sur des millions d'années et le cœur de l'étoile va lentement se peupler de noyaux de carbone. Cet enfant chéri de la nature, né d'un accouchement difficile, sera le grand héros de l'évolution chimique et biologique. Par exemple, des noyaux de carbone se combinent à des noyaux d'hélium pour engendrer des noyaux d'oxygène, promis aussi à un bel avenir.

Les fusions ultimes

     Bientôt l'hélium à son tour s'épuise et l'étoile reprend l'ascenseur thermique. A un milliard de degrés, deux noyaux de carbone se combinent et engendrent plusieurs éléments nouveaux : le néon, le sodium, le magnésium, l'aluminium, le silicium, etc...

     A ce stade, une nouvelle particule entre en scène : il s'agit du neutrino. Après le milliard de degrés, l'étoile émet de plus en plus de ces particules et perd donc de plus en plus d'énergie. La contraction s'accélère et la température augmente. En quelques milliers d'années, l'étoile engendre les noyaux de masse intermédiaire et, par une longue chaîne de réactions intermédiaires, apparaissent tous les noyaux jusqu'aux plus lourds.

L'étoile explose

     Le drame se prépare. L'énergie thermique menace de dépasser l'énergie de liaison des noyaux patiemment élaborés. La situation sera sauvée de justesse grâce aux neutrinos. En effet, ils évacuent de plus en plus d'énergie et l'étoile, pour rester en équilibre, se contracte rapidement. Bientôt, c'est l'effondrement qui déclenche une formidable implosion suivie d'une explosion : c'est une supernova. La masse stellaire évacuée dans l'espace se dilue et se refroidit, avec une différence importante, il y a maintenant des noyaux lourds...

     Pour engendrer des noyaux lourds, il faut des lieux de grande chaleur ; mais il faut interrompre la cuisson à temps car aucun atome ne peut résister au cœur d'une étoile. C'est dans les grands froids de l'espace que l'évolution cosmique va maintenant se poursuivre.

La première catalyse

     Quelques mots pour saluer l'apparition de la première catalyse. Dans un gaz dénué d'atomes lourds, la fusion de l'hydrogène est toujours lente. Par contre, en présence d'atomes de carbone, cette fusion est beaucoup plus rapide. Ce phénomène jouera un rôle fondamental : il s'appelle la catalyse. Grâce à elle, l'évolution nucléaire s'accélère d'elle-même.

Les résidus stellaires

     Au moment de l'explosion, l'étoile n'est pas entièrement dispersée dans l'espace, la partie centrale se replie sur elle-même. Cela donne une étoile à neutrons dont la densité se mesure en centaines de millions de tonnes par centimètre-cube. On les appelle aussi pulsars, le premier fut découvert en 1964. Il semble qu'en certains cas, le résidu devienne plus dense qu'une étoile à neutrons. Sa gravité pourrait alors empêcher la lumière de s'en échapper : ce sont des trous noirs dont l'existence, probable, n'est pas encore observée.

La mort des petites étoiles

     Toutes les étoiles ne meurent pas d'une manière aussi dramatique. Les petites, comme le Soleil, s'éteignent en évacuant, d'une façon moins violente, les produits de leur nucléosynthèse interne. La matière nébulaire se dissipe dans l'espace et l'étoile centrale, dénudée, deviendra une naine blanche. Elle se refroidit lentement et deviendra, au cours des milliards d'années à suivre, une naine noire, sans rayonnement et sans vie.

La naissance des atomes lourds

     Les noyaux lourds sont maintenant extraits du four ardent et projetés dans le froid de l'espace. Chacun des quelques quatre-vingt-dix atomes que l'univers vient d'ajouter à sa panoplie possède des propriétés bien à lui. Ainsi, le carbone, l'azote et l'oxygène sont les constituants majeurs de notre corps. Nos atomes s'essaient au jeu des liaisons moléculaires. L'oxygène, en particulier, forme des liens stables avec les métaux. Ce sont les premiers oxydes, ils serviront de base aux constructions solides de l'univers.

 

3. La phase interstellaire

Les poussières interstellaires

     L'espace est peuplé de poussières interstellaires de moins d'un micron de diamètre. Les premières poussières apparaissent parmi les torrents de gaz qui déferlent dans l'espace à la mort des étoiles de première génération.

L'hydrogène entre en jeu

     En quelques dizaines de milliers d'années, la matière résultant de l'explosion d'une supernova occupe un volume de quelques dizaines d'années-lumière de diamètre. La température approche seulement quelques dizaines de degrés absolus. L'hydrogène, avec les atomes lourds, va donner de nouvelles molécules : l'eau, l'ammoniac, le méthane et des hydrocarbures variés. Ces molécules hydrogénées se déposent sur les grains de poussière en une mince pellicule glacée.

Les rayons cosmiques

     Entre les étoiles, des électrons, des protons et des noyaux complexes se meuvent à des vitesses voisines de celle de la lumière. On les appelle les rayons cosmiques. Ils frappent aveuglément ce qu'ils rencontrent sur leur passage. Sous la violence de l'impact, certains noyaux seront donc cassés en morceaux. Parmi ces noyaux, trois manquaient à la panoplie de l'univers : le lithium, le béryllium et le bore. Sur le plan de l'évolution biologique, les chocs de rayons cosmiques pourraient causer des mutations, élément moteur de l'évolution darwinienne. Dans l'espace, les rayons cosmiques vont casser les molécules dont les morceaux vont se recombiner au hasard. C'est l'amorce d'une nouvelle chimie.

Les molécules interstellaires

     Ce sont les radiotélescopes qui nous ont révélé l'existence de ces molécules. Plus d'une centaine ont été identifiées ; on reste pantois devant la frénésie d'organisation de la matière dans des conditions aussi peu favorables. La vie vient toujours de la vie, mais d'où vient la « première » vie ? Il a bien fallu qu'elle surgisse de la matière « inanimée »

     On croyait ce miracle unique au monde. La détection du foisonnement moléculaire fait douter de cette croyance. Qu'est-ce que la vie ? Notons que toutes les molécules qui ont plus de trois atomes possèdent un, deux ou trois atomes de carbone. Cet atome est muni de quatre « crochets » particulièrement adaptés aux combinaisons moléculaires. Sur Terre, il est systématiquement présent dans toutes les grandes structures moléculaires. Cette prédominance du carbone s'étend à toute notre galaxie et, sans doute, à toutes les galaxies. L'atome de silicium possède lui aussi quatre crochets électroniques, pourtant la liste des molécules spatiales ne donne qu'une seule molécule avec le silicium. Le silicium ne joue pas le jeu des combinaisons chimiques comme le carbone. Cette observation radioastronomique rend peu plausible l'existence d'une vie à base de silicium.

 

4. La phase planétaire

L'invention de la planète

     Dans l'espace intersidéral, les conditions sont dures. Les molécules nouvelles sont fragiles et elles doivent se mettre à l'abri. La nature va à nouveau inventer : cette invention a pour nom « planète ».

La naissance des planètes

     Revenons au cœur d'une vaste et opaque nébuleuse constituée de matières gazeuses et poussiéreuses. Ces poussières se disposent autour des premiers embryons d'étoiles où s'amorce alors un long processus de condensation. Les poussières s'agglutinent les unes aux autres, des petits corps en résultent ; eux-mêmes s'agglomèrent, les plus gros absorbent les plus petits, tout cela sous l'effet de la gravitation. L'ensemble se simplifie au profit des plus grosses structures : les planètes.

La chaleur des planètes

     Il y a deux sources de chaleur pour les planètes : celle dégagée par la violence des chocs météoritiques et celle provenant de la radioactivité naturelle, alors importante, des atomes radioactifs (l'uranium par exemple). La chaleur provenant du soleil est, en comparaison, très faible. A leur naissance, les planètes sont des boules de lave ; puis la chaleur se dissipe. Les petits astéroïdes se refroidissent très vite ; la Lune s'est refroidie en trois cents millions d'années et aucune activité volcanique ne perturbera ensuite sa surface. Notre planète semble être restée liquide pendant plusieurs centaines de millions d'années. Le fluide intérieur, aujourd'hui encore, anime les volcans, les tremblements de terre, ainsi que l'errance continuelle de nos continents. La Terre est le prototype de la planète vivante.

La naissance de l'atmosphère

     Notre planète en formation recueillait les pierres et les poussières qui se trouvaient sur son passage. Ces poussières sont constituées d'un noyau rocheux entouré d'une couche de glace. Quand se forme la première croûte terrestre, les nuées gazeuses s'échappent du sol. La vapeur d'eau se condense et il pleut. Longtemps. Il pleut toute l'eau des océans.

     L’atmosphère est alors composée de dioxyde de carbone, de méthane, d'ammoniac et de vapeur d'eau. Il n'y a que très peu d'oxygène.

Que d'eau ! Que d'eau !

     Depuis peu, on a trouvé une autre origine de l'eau sur terre. Le corps des comètes est constitué principalement d'eau glacée. Combien de comètes ont frappé notre planète ? Quelle fraction de l'eau proviendrait de la fonte de ces glaces ? Il n'est pas exclu que la contribution des comètes soit importante.

     A l'école, j'ai appris que les océans recouvrent soixante-dix pour cent de notre planète. Vue de l'espace, la situation est différente car la fraction liquide ne représente pas plus d'un milliardième de l'univers ! L'eau liquide est plus rare à l'échelle cosmique que l'or sur la terre.

     L'eau est un puissant auxiliaire de l'organisation et il semble que l'eau liquide soit indispensable à l'apparition de la vie, saluons sa présence sur terre ! Vraisemblablement, bien d'autres planètes dans l'univers ont connu cet heureux événement...

Le grand orage

     Au moment du déluge initial, une masse gazeuse, opaque et sombre recouvre toute la surface de notre planète. De terribles orages ont lieu et les molécules de cette atmosphère sont bombardées en permanence par des décharges électriques, elles sont donc dissociées et les morceaux se recombinent au hasard d'une chimie très complexe. Soulevées par les cyclones, des vagues géantes mélangent aux eaux des océans les nouvelles molécules. L'océan est maintenant une gigantesque éprouvette où s'élaborent de nouvelles substances.

La soupe océanique primitive

     Que trouve-t-on maintenant dans cet océan ? On a essayé de reproduire en laboratoire des conditions semblables. Dans un bocal de verre hermétiquement fermé, on met de l'eau liquide et des gaz simples, ceux de l'atmosphère initiale, puis on soumet le tout à d'incessantes décharges électriques. Progressivement, l'eau devient trouble, passe au jaune puis au brun-ocre. A l'analyse on trouve des alcools, des sucres, des graisses et des acides aminés (cette expérience a été effectuée pour la première fois par les chimistes américains Miller et Urey en 1954). La synthèse de ces molécules complexes, directement liées à la chimie du vivant, à partir de molécules simples de la chimie minérale fut une découverte essentielle.

     Les houles brunes des océans primitifs charrient, elles aussi, ces précieuses molécules fraîchement formées. Pourtant, aucun être vivant ne vient les sentir ou s'y nourrir.

Croître

     Certaines molécules peuvent s'associer en chaînes interminables, ce sont des polymères. Un polymère a la possibilité de se tordre et se replier sur lui-même. Par l'addition d'autres molécules, la boucle peut ensuite se transformer en une sphère creuse. Nous voyons alors apparaître cette notion fondamentale de la physiologie : le « milieu intérieur ».

Catalyser

     Des phénomènes de catalyse vont se produire en grand nombre dans notre océan primitif. La première synthèse d'une molécule peut être très lente, mais si, par chance, celle-ci possède la propriété d'autocatalyse (c'est-à-dire si elle peut servir d'agent pour la formation d'une molécule identique à elle-même), elle donnera bientôt naissance à une compagne. Nous assisterons alors à une véritable explosion démographique. On peut considérer que l'autocatalyse est une forme de reproduction.

Se nourrir

     La soupe océanique regorge de sucres et d'alcools particulièrement riches en énergie. D'autres molécules ont la capacité de capturer cette énergie. C'est le début de l'alimentation.

     En somme, les grandes fonctions de la vie, croissance, reproduction, alimentation, existent déjà, comme en préfiguration, au sein de la soupe primitive. Ces lignes reflètent l'optimisme qu'on trouvait chez les scientifiques des années soixante-dix. Aujourd'hui, on est devenu plus réaliste : sur la nature véritable et sur la localisation des phénomènes qui ont permis l'apparition des premiers êtres vivants, presque tout nous est inconnu...

La première crise de l'énergie

     Au cours des millénaires, l'organisation et la complexification se poursuivent sans relâche. Avec la multiplication des systèmes consommateurs, les réserves d'énergies océaniques sont bientôt largement entamées. Le progrès de l'organisation est alors sérieusement menacé.

     Le soleil brille toujours, certes, mais, face à la crise, son énergie ne sert à rien, jusqu'à ce qu'apparaisse une molécule spéciale, rudimentaire ancêtre de la chlorophylle. Elle sait capter et emmagasiner l'énergie des photons solaires. La première crise de l'énergie se résout par l'utilisation de l'énergie solaire, qui, depuis ce jour, anime toutes les formes de vie animales et végétales.

 

5 Images de l'évolution biologique

La machinerie de la cellule

     La cellule est l'élément de base de tous les êtres vivants. Notre corps en contient plus de cent mille milliards agencées avec la plus extrême cohérence. Il faut des bibliothèques entières pour décrire le peu que nous savons de la complexité des cellules.

     En commun, elles ont un certain nombre d'éléments. D'abord un noyau où est stockée, sous la forme d'une molécule l'ADN, l'information nécessaire à la poursuite de la vie et à la reproduction. Autour du noyau, le cytoplasme est peuplé d'une multitude de petites unités en particulier les mitochondries (centrales énergétiques) et les ribosomes (chaînes de montage). Dans les cellules végétales, on trouve des chloroplastes responsables de la photosynthèse. Il y a un « déchet » de la photosynthèse : c'est l'oxygène ; les plantes sont les seules responsables de la présence de gaz oxygène dans notre atmosphère. Aucune autre planète du système solaire n'en possède.

L'origine des cellules

     Comment un système aussi performant est-il arrivé au monde ? A la vérité, on en sait peu de choses. Il s'agirait de systèmes plus simples qui auraient trouvé avantage à vivre ensemble pour partager leurs aptitudes.

     Sur notre planète, les plus vieilles roches connues ont 3,8 milliards d'années, elles révèlent la présence d'une vaste population de microfossiles. On y reconnaît entre autre des algues bleues. Il s'agit d'organismes microscopiques monocellulaires capables de réaliser la photosynthèse mais ne possédant ni noyau ni aucun des éléments cellulaires habituels.

     Selon la théorie de la « mise en commun », ce sont de telles cellules simples qui se seraient un jour associées pour former des cellules complexes. On retrouve là une des recettes favorites de la nature en gestation.

Le grand arbre darwinien

     Comment, en quatre milliards d'années, passe-t-on des algues bleues aux êtres humains ? Bactéries et algues bleues règnent pendant trois milliards d'années. Les organismes pluricellulaires les plus anciens sont les méduses, elles apparaissent il y a sept cents millions d'années. Cent millions d'années plus tard, voilà les premiers coquillages, encore cent millions d'années et le règne des poissons commence. La sortie des eaux va se faire il y a trois cent cinquante millions d'années avec les reptiles et les oiseaux. Les mammifères apparaissent peu après mais ne s'épanouissent qu'après la disparition des dinosaures il y a soixante-trois millions d'années. Parmi ces mammifères, une espèce de petite musaraigne portait dans ses gènes la promesse du cerveau humain. De sa descendance sortent les diverses lignées de singes ; de l'une d'elles les premiers hominiens puis les premiers hommes...

     Le corps humain est fait de trente milliards de milliards de milliards de particules élémentaires, et c'est l'agencement de toutes ces particules qui permet de concentrer votre attention sur ces lignes !

Une catastrophe à l'échelle planétaire

     Il y a soixante-trois millions d'années, des espèces aussi différentes que les dinosaures, les ammonites marines et les fougères géantes sont rayées de la liste des vivants. Que s’est-il passé ? La cause de cette hécatombe est de nature astronomique : une pluie de matière météoritique est tombée sur la Terre. Cet événement va profondément changer l'évolution de la vie terrestre. Les mammifères sont alors des bêtes minuscules dont le nombre est restreint et le développement fort lent. Après la disparition des reptiles géants, la population des mammifères croît rapidement et leur développement s'accélère; en quelques dizaines de millions d'années, ils atteignent le stade du singe, du primate et de l'homme...

6 La vie hors de la Terre

La vie dans le système solaire

     Au siècle dernier, on parlait volontiers des Vénusiens et des Martiens, que pense-t-on aujourd'hui de la vie sur les autres planètes du système solaire ?

     La Lune et Mercure n'ont pas d'atmosphère et, continuellement bombardées par des particules en provenance du Soleil, elles sont arides et désertiques. A l'inverse, Vénus possède une atmosphère très épaisse, mais cette masse de gaz carbonique piège la chaleur du Soleil et porte la température au sol à cinq cents degrés.

     Et sur mars ? L'analyse du sol martien par les sondes qui s'y sont posées montre qu'il y a beaucoup moins de molécules complexes qu'au sein des glaciers antarctiques, milieu très pauvre. On a donc peu d'espoir d'y trouver une forme de vie, même très primitive. La température très basse des autres planètes et satellites est très défavorable à l'apparition et au maintien de la vie. Et ailleurs ?

Des acides aminés dans les météorites

     Les météorites sont des pierres qui tombent du ciel. En entrant dans l'atmosphère, elles laissent derrière elles une brève traînée lumineuse : les « étoiles » filantes. Les météorites pierreuses sont grisâtres, certaines d'entre elles, nommées chondrites, incorporent d'importantes quantités d'eau gelée et de matière carbonée. L'analyse révèle la présence d'hydrocarbures et même d'acides aminés. On sait maintenant que ces acides existaient déjà dans la météorite avant son entrée dans l'atmosphère terrestre. En effet, chez les vivants terrestres, il n'existe qu'une famille chimique d'acides aminés, l'autre famille miroir en est absente ; or, dans les chondrites carbonées, les deux familles coexistent. Voilà une preuve que ces molécules se sont formées ailleurs que sur notre planète.

Des planètes éclatées

     Les météorites proviennent de corps plus gros dont les diamètres ne dépasseraient pas quelques centaines de kilomètres. Au cours de collisions catastrophiques, ces corps ont volé en éclats et ont donné les météorites. Les acides aminés de nos chondrites carbonées se seraient donc formés sur ces corps parents aujourd'hui disparus.

     Au même titre que l'observation inattendue des molécules interstellaires, cette découverte a profondément remué la communauté scientifique. Elle illustre, une fois de plus, l'étonnante fertilité de la matière.

La vie dans l'univers

     Y a-t-il des êtres vivants parmi les milliards d'étoiles de notre galaxie, et parmi les milliards de galaxies de l'univers ?

     La planète, on l'a vu, présente une solution idéale aux multiples problèmes de la matière qui s'organise. A défaut d'aller voir sur place, on peut se demander si, comme notre soleil, d'autres étoiles possèdent un cortège planétaire. Des observations récentes et délicates tendent à penser que oui. Le phénomène de formation d'un système planétaire autour d'une étoile centrale ne semble pas exceptionnel. D'un point de vue statistique, certains auteurs avancent une probabilité de un million de planètes abritant la vie dans notre galaxie. Des planètes, par milliers, pourraient donc avoir atteint une technologie égale ou supérieure à la notre et communiquer par ondes radio. Des tentatives d'écoute ont été faites ; sans succès. L'exploration systématique dans toutes les directions et sur toutes les fréquences est à peine entamée ; aussi, ne perdons pas espoir.

     Et le tourisme interstellaire ? Les objets volants non identifiés (OVNI) sont vus, photographiés, des spectateurs sont même enlevés ! Pourtant, à l'analyse critique, on trouve de la fraude, des hallucinations et beaucoup de mercantilisme. Tâchons quand même de donner à notre discussion une dimension supplémentaire.

     Qui serait assez prétentieux pour affirmer que nous connaissons toutes les forces, toutes les ondes et tous les moyens de communication ?

     Les civilisations extraterrestres ne nous inondent pas de leurs messages radio et leurs visites à notre planète restent plus que douteuses, mais cela n'épuise pas le débat.

 

7 L'avenir de la Terre

La mort du Soleil

     Il y a une étoile pour laquelle notre intérêt est plus qu'académique : notre Soleil. L'avenir du genre humain dépend intimement du sort qui lui est réservé. Les réserves d'hydrogène solaire nous promettent encore cinq milliards d'années de tranquillité.

     Avec l'épuisement de l'hydrogène central, le Soleil va devenir une géante rouge, son volume va augmenter et ce grand disque rouge nous enverra bien plus de chaleur que notre disque jaune familier. Essayons d'imaginer ce qui se passera. Les glaces polaires vont commencer à fondre ; une vaste Amazonie, chaude et humide, s'étendra sur toute la planète ; puis l'atmosphère s'évaporera dans l'espace et le ciel redeviendra clair. La végétation desséchée flambera, et sur les continents comme au fond des océans le règne minéral reprendra la place qu'il avait aux premiers temps.

     Quelques centaines de milliers d'années encore, et la pierre elle-même entrera en fusion. Le ventre rouge du soleil continuera son inexorable progression et Mercure, Vénus, la Terre et Mars se vaporiseront successivement. Vu de loin, l’événement prendra l'allure richement colorée des nébuleuses planétaires familières à l'astronome.

Réanimer le Soleil défaillant

     Il m'arrive de me faire du souci pour nos arrière-arrière… petits-enfants qui vivront cette période critique. Je vois pour eux trois solutions possibles : émigrer vers des planètes plus éloignées du Soleil, éloigner la Terre tout entière ou bien, solution plus durable, réanimer le Soleil. Dans cinq milliards d'années, il n'y aura plus d'hydrogène dans la région centrale du Soleil, pourtant il en restera encore de grandes quantités non consumées entre ce noyau chaud et la surface solaire. Il faudrait une « pompe » pour le faire circuler et l'amener au brasier central où il pourrait fusionner. La vie du Soleil serait ainsi prolonger de dix à cent milliards d'années !... Il ne me parait pas exclu qu'on puisse, un jour, résoudre ce problème.

Évolution cyclique

     Revenons sur cette grande aventure : matière interstellaire, étoiles, système planétaire, êtres vivants, matière interstellaire,... étoiles, etc. ... L'important, c'est que la séquence de ces cycles n'est pas une simple répétition ; à chaque génération d'étoiles, la matière interstellaire est plus riche en atomes lourds et donc plus fertile. Cette évolution n'est pas représentable par un cercle, mais par une spirale hélicoïdale.

     Naissance, vie et mort forment les éléments d'un cycle qui n'est pas fermé sur lui-même ; chaque cycle apporte une contribution nouvelle qui influencera les cycles à venir. Les atomes et molécules qui forment notre corps ont une longue histoire. De nombreuses fois déjà, le « vivant » les a demandés à la Terre-Mère. Ils ont été feuilles d'arbres et plumes d'oiseaux. Dans quelques décennies, nous ne serons plus, mais nos atomes existeront toujours, poursuivant ailleurs l'évolution du monde.

 

8 De la musique avant toute chose

Pourquoi de la musique plutôt que du bruit ?

     « Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? », Pourquoi de la musique plutôt que du bruit ?

     Quand je parle de « musique », c'est tout ce qui rend manifeste l'ordre somptueux de notre cosmos. Les sciences biologiques nous ont révélés l'époustouflant degré d'agencement et d'organisation matérielle, la quantité fantastique de réactions chimiques parfaitement synchronisées qui se cachent derrière les événements simples de la vie courante. Quels sont les « sons » de cette musique ? Ce qui ressort clairement, c'est la hiérarchie des agencements. Pourquoi ? La question se pose à chaque niveau : les particules auraient pu ne pas s'agencer en atomes, les atomes ne pas s'agencer en molécules, etc. ...

     La première réponse c'est que, dans la nature, il y a des forces. Mais, qui vient en premier, la force ou la structure? Newton découvrit l'existence de la gravitation et il en déduisit l'existence de structures liées par la gravitation (le système solaire). Pour le nucléaire, Rutherford découvrit d'abord la structure du noyau constitué de protons et de neutrons ; puis, Fermi mit en évidence la force nucléaire. Qui est premier de la force ou de la structure ? Ni l'un ni l'autre. On peut simplement dire  « il y a de la musique » mais on ne sait pas pourquoi...

Quelle sorte de musique ?

     Tout le déroulement de l'univers, dans l'espace et dans le temps, était-il déjà écrit dans le jeu des interactions entre les particules ? Aux premiers instants, aucune structure organisée n'existe ; est-ce que l'univers sait, quand il baigne dans la chaleur destructrice du début, quelle forme il va prendre avec le refroidissement ?

La quête de la stabilité

     On pourrait être tenté de décrire l'histoire de l'univers comme celle d'un ensemble de particules occupant successivement toutes les niches de façon à s'assurer la plus grande stabilité. Dans ce cas, la partition serait du style musique classique sans invention ni fantaisie. L'atome de Fer a le noyau le plus stable, l'univers devrait alors être composé uniquement d'atomes de fer ; or, aujourd'hui, moins d'un atome sur trente milles est un atome de fer. Pourquoi?

     Essentiellement parce que l'expansion a été trop rapide. La stabilité nucléaire ne sera jamais atteinte. En résumé, pour les structures moléculaires qui s'organisent, la quête de la stabilité est un guide très peu directif car elles ont accès à une multitude d'états de même stabilité.

Jazz

     « Pourquoi de la musique plutôt que du bruit ? » La quête de la stabilité n'explique que d'une façon fragmentaire le comportement de la matière. Un élément de réponse nous vient de l'observation du monde végétal et animal. Si des espèces disparaissent, d'autres prennent leurs places, plus souples, plus résistantes, plus performantes. La nature n'invente pas une, mais cent façons de régler un problème. Les variétés et fantaisies de la vie terrestre relèvent plutôt de la souplesse d'une partition de jazz !

Le hasard apprivoisé

     Animaux et végétaux sont comparables à d'immenses usines bourdonnantes d'activité. Dans cette organisation quasi parfaite, il y a cependant un point faible : la conservation du code génétique. Des altérations peuvent s'y produire. Les biologistes affirment que les mutations se font au hasard, sans planification préalable. Voilà le hasard à nouveau à l’œuvre. A l'échelon de la complexité des molécules d'ADN, est-il prudent de faire confiance au hasard ? Ces modifications sont en général nocives, mais parfois, elles peuvent avoir un rôle bénéfique; par exemple améliorer l'adaptation d'un individu à son environnement.

     Les unités fondamentales de la vie contiennent des milliers d'atomes, les modes de combinaison sont quasi innombrables. C'est, en état de marche, une « roulette » gigantesque qui correspond à des millions de configurations nouvelles, à des millions de performances possibles. Le hasard devient maintenant l'agent même de l'organisation. La nature a su créer les structures biochimiques qui retiennent les « bons » coups et ignorent les « bavures ». Einstein disait : « Dieu ne joue pas aux dés. » C'est faux. Dieu adore les jeux de dés. On le comprend. Dans son casino, les croupiers sympathiques ignorent les coups perdants...

Le principe anthropique

     A plusieurs reprises, nous avons rencontré des événements qui semblent indispensables à l'apparition de l'être humain. La liste de ces coïncidences « miraculeuses » est longue. Le principe anthropique, ramenant à l'homme l'ensemble des observations, s'énonce comme ceci : « Étant donné qu'il existe un observateur, l'univers a les propriétés requises pour engendrer cet observateur. » La cosmologie doit tenir compte de l'existence du cosmologue. Ces questions ne se seraient pas posées dans un univers qui n'auraient pas eu ces propriétés.

L'expérience-univers

     Tout au long de ce livre, j'ai tenté de montrer comment les êtres humains s'insèrent dans une longue histoire qui implique tout l'univers depuis sa naissance. Nos nucléons sont nés dans le grand brasier originel ; ils ont été assemblés en noyaux dans le cœur ardent des étoiles. Ces noyaux se sont habillés d'électrons pour former des atomes et des molécules simples dans l'espace interstellaire. Dans l'océan primitif et sur les continents, les combinaisons se sont poursuivies inlassablement. Quel est l'avenir de cette évolution ? De quoi sommes-nous le germe ? Nous sommes investis d'une mission : nous devons favoriser cette éclosion.

     « Nous », le lecteur l'aura compris, c'est plus que vous et moi, c'est toute l'expérience-univers qui se joue en nous et par nous. La connaissance du cosmos est le fondement d'une connaissance cosmique : l'espoir de survie passe par une prise de conscience à l'échelle mondiale de l'extrême gravité de la situation actuelle. La menace la plus grave provient de l'armement nucléaire. Loin de s'amenuiser, cet arsenal s'enrichit en force et en précision. De ce train de considérations surgit une image désolante : des milliers de planètes couvertes des débris toxiques de leurs civilisations irresponsables et disparues. Nous ne devons plus jouer à la guerre, il faut sauver la musique.

 

Ouvrages de Hubert REEVES

Évolution stellaire et nucléosynthèse. Dunod 1968.
Soleil (en collaboration avec J. Véry, E. Dauphin-Lemierre et les enfants d'un CES)
La nacelle Genève 1992
Patience dans l'azur Seuil 1981 1988
Poussières d'étoiles Seuil 1984 1994
L'heure de s'enivrer Seuil 1986 1992
Malicorne Seuil 1990
Compagnons de voyage (en collaboration avec J. Obrenovitch) Seuil 1992
Comme un cri du cœur (ouvrage collectif) L'essentiel, Montréal 1992
Dernières nouvelles du cosmos Seuil 1994

Et le prochain !